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PAS ENCORE DE TITRE

 

- Genèse du projet -

Sur une initiative de la compagnie, nous nous engageons dans un nouveau projet pour lequel nous invitons deux artistiques chorégraphiques.

 

Nous sommes quatre, Aëla Labbé, Nelly Paubel, et nous-même, Astrid Le Jeune et Aude Le Jeune.

 

Depuis quelques années nos chemins se croisent ici et là lors de différents rendez-vous, suscitant au fur et à mesure une curiosité grandissante les unes envers les autres. Nous nous sommes retrouvées parfois lors de cartes blanches, de projet de performance one shot, mais aussi dans le cadre de workshop, où de temps de pratiques orientés autour du mouvement et particulièrement autour de l’improvisation.

 

Nous cherchons des espaces de travail pour proposer à cette rencontre à quatre du temps et l’espace, offrant à celle-ci les conditions nécessaires à son approfondissement. Nous y voyons l’opportunité de faire place à nos intérêts communs, de les laisser se croiser, se déployer, et de les voir prendre forme en fin de résidence lors d’une performance in situ, encore tout à inventée.

 

Le visible, l’invisible, le temps.

 

Un peu comme une maraude ces trois notions agitent nos réflexions. Nous aimons partir et observer le petit, ce qui ne semble pas être là et qui est présent, ce qui n’est pas encore regardé, ce qui va apparaître. Il faut que quelque chose s’offre en support pour que l’invisible s’offre en visible.

Le temps comme support dans lequel déposer nos actions éphémères est un fil où se poser. Ce que je viens de faire est déjà du passé et je me lance constamment dans le futur à venir.

Ce rapport au temps comme une sensation abyssale d’appartenir à plus grand, nous renvoie à une intensité du vivant qui fait mémoire sans faire de trace.

 

Et il est question de cela. La trace.

Qu’est ce qui fait trace ? Et que laissons-nous de nous, de nos regards, de nos affects, de nos passages? Le regard selon les mots de J.L Parant «ne laisse pas de trace». C’est une archive amnésique, dont nous sommes tous.tes héritières. Cela nous invite à reconsidérer le geste de voir, prendre conscience que ce que nous regardons et la manière avec laquelle nos yeux se déposent dans le monde, n’est pas un geste uniquement individuel mais bien aussi collectif.

 

Nous travaillerons à partir du texte “Soleil double le lisible - l' illisible” de l’auteur et plasticien Jean Luc Parant au édition Fata Morgana.

 

« Soleil double » se compose de deux parties «jumelles» – le lisible et l'illisible – comportant chacune le même nombre de mots: 9514. Ce sont deux textes qui se regardent. Le premier texte est le «je» véritable, tandis que le second est celui qui se regarde dans le miroir où le reflet, est toujours différent de la réalité. Le dernier paragraphe du premier volume est aussi le premier paragraphe du second et forme comme une ligne de crête partagée entre le lisible et l'illisible. Un livre et une pensée comme une montagne dont les pentes opposées donneraient l'équilibre. 

 

Pour aborder ce temps de résidence, nous travailleront à partir de différentes ressources propres à l’équipe : l’improvisation comme matière et process de création, la danse, le texte lu/parlé, la photographie, la curiosité des espaces in situ, tant intérieur qu’extérieur.

- Artiste invitées -

 

Aëla Labbé Compagnie Lucane

 

Aëla Labbé est artiste Chorégraphique, photographe et co-fondatrice de la compagnie LUCANE avec Stéphane Imbert. Après un cursus en danse contemporaine à l’École Supérieure d’Art d’Amsterdam, l’expression photographique s’impose à Aëla comme un révélateur. Depuis plusieurs années et en parallèle de son parcours de danseuse en France et à l’étranger, elle développe un travail d’auteure photographe. Elle s’intéresse particulièrement aux pratiques argentiques, explorant le moment de la prise de vue très proche selon elle de l’état d’improvisation en danse « cet état d’être dans l’instant, disponible, les sens en éveil».

Dans son approche, matières photographiques et matières chorégraphiques dialoguent et prennent corps. Ses clichés ont été exposés en France et à l’étranger, publiés dans des magazines et dans des revues indépendantes internationales, dans des programmes de salle ou encore utilisés comme supports visuels pour de la musique. En 2013, Les Éditions du Lic, maison d’édition basée à Oslo, a publié sa première monographie L’Absente. Elle mène des ateliers danse et photographie auprès de publics amateurs et professionnels en milieu scolaire) ainsi qu’en IME et en EHPAD avec la compagnie

Pasarela. Sensible à la poétique du mouvement, aux états de corps et de présence, elle approfondit sa recherche artistique au sein de la compagnie LUCANE.

 

 

Nelly Paubel

 

Artiste (chorégraphique) composite qui associe le travail attentionnel à l'investissement de lieux non dédiés ; les espaces communs, publics, privés ou intimes, dans l’intention de révéler ce qui se tisse et se transforme à la fois ; sans cesse ; dans nos gestes quotidiens et laisser émerger la poésie de l’ordinaire.Au carrefour de plusieurs champs d’exploration du mouvement, elle éprouve les terrains de l’improvisation (contact improvisation, systema, composition instantanée) et s’intéresse particulièrement aux territoires, ses plis, ses interstices, ses flux, ses architectures et ses modes relationnels.

Questionnant la place du corps dans son environnement, Nelly Paubel est interprète pour des compagnies d’arts de rue (la Débordante cie) mais crée également des propositions chorégraphiques in situ protéiformes avec des danseurs amateurs, au sein d'un Collectif, ou de collaborations éphémères. Titulaire du Diplôme d’Etat en danse contemporaine (2009), elle intervient en médiation culturelle dans les écoles ou les EHPADS et a à cœur de transmettre dans un esprit d’échange et de partage, tout en continuant à apprendre de ses propres pratiques.

- Extrait du texte -

 

“Soleil double le lisible - l'illisible”, Jean Luc Parant, aux éditions Fata Morgana. P.18 et 19

 

Existe-t-il des archives de ce que les yeux ont vu ? A-t-on les cartes du ciel et de l’espace qui nous entoure où les yeux se seraient projetés et qui nous montreraient les passages, les allées et venues de tous les yeux qui les auraient parcouru ? Les yeux ne laissent pas de traces . Mais leur trace n’est-elle pas la lumière ?

Quand l’homme saura développer ce que ses yeux ont vu, il retrouvera ce qui est apparu devant ses yeux et que le temps a fait disparaître. Comme si ses yeux auraient pu avoir conservé la mémoire de tout ce qu’ils ont vu.

Les yeux portent-t-il en eux toutes les images insaisissable qui sont apparues devant eux, comme la pellicule d’un appareil photographique ? Quand l’homme saura développer ce que les yeux ont vu, il retrouvera tout ce qu’ils ont vu, sans que ce qu’ils voient ait laissé la moindre trace.

Si l’homme a transformé le feu en lumière pour pouvoir exister, c’est quand il a quitté le sol de ses mains pour représenter le monde qui le brûlait et pouvoir s’en éloigner que la projection de ses yeux a fait surgir la lumière.

Seuls les mains qui touchent, les pieds qui marchent, le corps qui meurt laissent des traces de leur passage. Les yeux ne laissent-t-ils pas de traces parce qu’ils verraient l’espace et s’y fixeraient une fois vu sans pouvoir le quitter ni eux-mêmes disparaître ? L’espace a-t-il conservé la projection de tous les yeux qui l’ont vu ? Ou est-ce seulement sa transparence qui les contient tous ? Le ciel est-il plus lumineux depuis que les yeux se sont ouverts sur lui ?

Si les yeux ne laissent pas de traces, leurs traces seraient-elles invisibles ? Serait-ce que les yeux qui voient rendraient le jour plus clair, allumeraient un peu plus la lumière sur ce que qu’ils voient comme le passage des mains qui touchent obscurcirait la terre ?

Les yeux verraient-ils, et voyant ce qu’ils verraient, ne pourraient-ils plus s’en détacher ? Car si les mains et les pieds et le corps laissent des traces, c’est après être passés et avoir disparu.

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